Grâce : nom féminin, Faveur accordée librement à quelqu'un
Mettons de côté la tendance liturgique du terme ; ou conservons la, si elle nous inspire.
Les mots se sont parfois chargés d'un sens qui les dépasse, les pèse, les ampute d'une autre Lumière dont ils peuvent également briller et éclairer.
Vivons simplement par ce qui nous est accordé librement. Et pour ce faire, il convient, en préambule, de se poser la question : "qu'est-ce qui m'est accordé librement ?".
C'est, tout d'abord, accordé à -Soi-.
Dans ce lieu premier, -Soi-, nous rencontrons ce qui nous est accordé.
On ne peut pas présager de ce qui est donné aux autres, même si nous recevons tous quelque éclat de cette Lumière.
Mais qu'éclaire-t-elle chez -Soi- avant tout ?
Ensuite, c'est "accordé", donné, offert. Mais "accordé" c'est aussi "mettre d'accord".
Il nous faut donc être d'accord avec ce que l'on reçoit, pour être conscient de le recevoir.
Enfin, on peut y adjoindre le sens musical. Nous sommes emmenés à vibrer, résonner, avec ce à quoi nous nous accordons.
Voilà qu'apparaît un tout autre chemin, bien plus profond de sens que simplement "se laisser porter" par quelque magie. Il reste un élément encore plus intéressant : "librement".
Cet accord se fait donc librement, nous n'avons rien à faire pour recevoir sinon constater ce qui nous est donné. Et c'est en faisant ce constat que nous nous y accordons.
Dans un monde où tout ce qui nous est donné doit être mérité, où l'on a "rien sans rien", n'avoir rien à faire pour se voir accorder une Grâce est une chance presque inconcevable.
C'est pour cela que peu de gens le conçoivent, ou alors pensent-ils que l'on doive en tirer quelque chose. Ou encore, qu'une fois accordée, cette Grâce devrait être "conservée", presque thésaurisée, au risque de la perdre.
Mais non, puisqu'elle nous est accordée librement, sa conscience disparaît dès que nous mettons quelque autre volonté en travers de sa route. Puis, elle s'écoule à nouveau, librement, quand nous décidons de faire silence et de constater son ruissellement.
Mais de quoi parlons nous ?
Il s'agit certainement de ces moments que nous apprenons à reconnaître.
Une "rééducation" des sens à "percevoir" (percer et voir, ou se laisser transpercer et éblouir) ce qui est entre les lignes, les silences entre les notes, les éclaircies entre deux averses ; la Vie sous les couches de douleur.
Pour honorer un cœur qui bat, il n'y a rien à faire sinon en avoir conscience. Cela nous est donné, sans que nous ne sachions pour combien de temps encore, tant pour nous que pour ceux qui nous sont proches, et au delà.
Bien sûr, la Grâce d'un cœur qui bat ne s'interrompt pas lorsqu'on arrête de s'y abandonner. Mais la sensation d'être vivant redevient presque "normale", basale, par défaut.
La Grâce, c'est justement redonner une consistance presque sacrée à ce qui nous apparaît comme étant "donné par défaut", à commencer par la Vie.
Combien de gens arrivent dans des cabinets de thérapeutes avec quelques symptômes ? Mais si l'on se décidait à prendre 3 minutes pour établir une liste, très succincte, de tout ce qui fonctionne bien, à cet instant dans notre corps. Au cœur cette "physiologie animée" nous n'aurions pas assez de temps et de connaissances pour lister tout ce qui se fait, tout ce qui fonctionne librement et nous est accordé.
Alors, le jour où nous avons mal à la gorge, notre seul souhait est de voir ce symptôme disparaître. Mais lorsque le symptôme disparaît, nous n'honorons que trop rarement cette gorge qui fonctionne à merveille, aussi discrètement que parfaitement. Tout ce qui devient normal devient presque fade et inaperçu. Nous n'honorons alors plus ce qui nous est donné. (Au delà de ce raisonnement, la physiologie fonctionne toujours parfaitement, mais s'adapte en permanence. Le fonctionnement optimal est défini par la capacité à s'adapter (homéostasie), laissant parfois transparaître des symptômes "d'adaptation".
Ainsi, les symptômes ne sont pas un signe de "dysfonction", sauf à des stades avancés de dégradations des tissus et ressources).
Lorsque la peur s'empare de nous, lorsqu'il nous semble que nous allons manquer, de Santé, de ressources, alors nous ne profitons plus de ce qui nous est donné.
Nous projetons, nous essayons de nous accrocher à ce qui semble nous échapper.
Tout d'un coup le risque de le perdre le rend plus précieux, plus notable.
Nous nous accrochons à ce que nous risquons de perdre ; rarement à ce qui nous est donné sans limites.
Ainsi, la douleur pourrait nous rappeler que nous sommes "vivants". Mais, plus certainement, elle nous rappelle que nous oublions cette conscience d'être vivants lorsque nous n'avons pas mal. Nous avons souvent "mieux à faire"...
Mais jusqu'au dernier Souffle, mille Grâces nous sont données à chaque fraction de seconde, beaucoup plus que ce que notre cerveau nous permet de quantifier, de mesurer. Nous pouvons apprendre à ressentir, de tout notre être, toutes ces Grâces.
Au détour d'un regard, d'un sourire, d'une rayon de Soleil, cette idée nous touche et nous rappelle à nous même, un "rappel à -Soi-". Une infime parcelle de ce qui nous est donné vient nous éclairer, comme pour nous permettre de ressentir, sans le mesurer, cet insondable champ silencieux qui nous traverse à chaque instant.
Vivre, faire le souhait d'écouter ce champ silencieux à chaque respiration, à chaque battement de notre Cœur, à chaque photon qui touche notre rétine, à chaque instant où nos ongles et nos cheveux poussent, c'est se laisser transporter librement par ce qui nous est accordé, et nous dépasse, de loin, sans jamais nous perdre à nous mêmes.
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