La méthode Bowen (histoire et approche personnelle) :
Histoire :
J'ai découvert la méthode Bowen aux alentours de 2009. Une amie avait été voir son ostéopathe et en sortait assez étonnée. Certes, il était proche de la retraite, il avait une formation de kinésithérapeute, puis avait basculé vers l'ostéopathie. Il n'avait ensuite jamais cessé d'être curieux de nouvelles techniques, approches, passant notamment par la médecine traditionnelle chinoise. Au crépuscule de sa carrière, il travaillait avec une nouvelle méthode qui le satisfaisait pleinement, tant par son efficacité que par son minimalisme. D'ailleurs sa patiente semblait réservée : "je ne sais pas trop ce qu'il m'a fait, et je ne sens pas grand chose jusque là" (le jour même).
Le lendemain, un tout autre discours : "j'ai l'impression que mon corps se réaligne tout seul, je marchais et j'ai senti des choses bouger dans mon bassin, puis dans mon dos. On dirait que c'est en train de se remettre en place, petit à petit". Elle témoignait par ailleurs d'un certain apaisement, après une bonne nuit de sommeil, et d'une fraîcheur et vitalité qui lui avaient jusque là fait défaut, prise par le quotidien et les études.
Il n'en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité, j'appelai donc ce monsieur qui me confirma, avec quelques détails supplémentaires, tout ce que je relate ci-dessus. Une rapide recherche sur internet, toujours méfiant quant aux avis tantôt dithyrambiques, tantôt assassins, au regard des approches "non conventionnées" (non conventionnelles, souvent).
Une formation commençait, en français, vers chez moi... Je ne suis pas boulimique de formations et j'aime choisir avec rigueur et précision celles qui seront porteuses. Elles sont préférables à celles qui me perdent et font perdre pied, là où il est déjà difficile de trouver un certain ancrage dans sa pratique.
La méthode Bowen est donc l'oeuvre de Tom Bowen (1916 - 1982), australien de la région de Geelong.
Autodidacte, passionné, il fut reconnu ostéopathe par l'Australian College of Osteopathy en 1972. A ses débuts, il observait simplement les kinésithérapeute, masseurs, et chiropracteurs travailler sur les équipes sportives locales. Petit à petit, il se mit à soigner les douleurs de ses collègues de travail, à l'usine où il travaillait. Rapidement, les retours furent positifs, très positifs, au point de devoir recevoir les gens chez lui, puis à son cabinet, puis de s'y consacrer pleinement et à plein temps.
Dans un entretien avec le "Osteopathic, Chiropractic and Naturopathy Committee" (1973), il évaluait le taux de réussite de ses traitement à 88% (toutes demandes confondues). Efficace, rapide, minimaliste ; il revoyait généralement ses patients une semaine après le premier traitement et c'était souvent suffisant, parfois une dernière visite pour s'assurer que tout allait bien. Seuls quelques cas nécessitaient un suivi à plus long terme.
Au vu du nombre de patients traités (65 patients par jour) sa technique apparait comme "rapide". Pas de consultations d'une heure. Certes, il avait une "assistante" pour l'aider à la mise en place des séances, prodiguées une bonne partie de sa vie sur de simples lits. Mais il semblait savoir exactement où poser les mains, quoi faire après un rapide examen visuel et tactile.
Il apparaît que Tom Bowen avait trouvé un moyen de ramener le corps, la physiologie, dans un certain équilibre. Beaucoup de gens venaient de très loin pour être traités dans son cabinet. Pourtant, parfois d'un coup d’œil, il refusait de traiter certaines personnes, expliquant qu'il ne pourrait rien y faire. Il semble donc qu'il savait quoi faire, pourquoi le faire, dans quel but le faire, mais également les limites de son action.
Tom Bowen n'a pas formé de thérapeutes, à proprement parler. Il avait quelques assistants, à la fin de sa vie, qui l'observaient travailler et prenaient en charge certains patients. La transmission se faisait à l'observation, au conseil, au ressenti, plus que de manière magistrale. Chacun prenait donc ce qu'il avait à prendre, toujours dans le but de pouvoir soigner "à la manière" de Tom Bowen.
Son approche évoluait, il cherchait toujours de nouvelles façon d'améliorer son travail, son orientation, son toucher. Si bien que ceux qui l'observaient devait également raffiner leurs "connaissances" en temps réel, au rythme de l'évolution de Tom Bowen.
Cette évolution prit fin en 1982.
Aujourd'hui, la technique, la méthode "Bowen" est enseignée dans le monde entier, notamment par le biais d'un organisme de formation (BowTech) fondé par Oswald Rentsch. Ce dernier fait partie des "Bowen Boys", assistants de Tom Bowen avant son décès, qui ont pu observer, compiler des informations sur cette approche si peu commune.
Cet enseignement présente des similitudes apparentes avec ce que faisait Tom Bowen, mais également des éléments de discordances, notamment dans l'aspect analytique et minimaliste.
Après avoir suivi cette formation, j'avais une nouveau monde entre les mains, une incroyable boîte à outils. Mais je ne savais pas trop quel outil utiliser, à quel moment. On m'avait juste dit : "utilise-les un peu tous, un peu partout, le marteau finira bien par trouver le clou".
Au regard de mes formations précédentes, de mon approche clinique, de la responsabilité face à mes patients, je ne concevais pas de proposer la méthode en tant que telle.
J'ai donc, petit à petit, continué mes recherches, creusé, tâtonné. Je suis tombé sur d'autres façon d'aborder ce travail, en Australie notamment. Graham Pennington m'a ouvert la porte d'une toute nouvelle façon de penser cette disposition thérapeutique. Comme moi, Graham est formé en acupuncture et il apparaît clairement que Tom Bowen avait un regard sur les méridiens/points d'acupuncture. Beaucoup, sinon tous, les "moves" qui ont été répertoriés, recroisent les points, les méridiens, avec des indications analogues. J'avais toujours considéré qu'un lien était possible, qu'il y avait quelque chose de cet ordre là, un peu plus profond, un peu plus subtil. Puis Graham, dans son livre (A textbook of Bowen Technique), parle d'anamnèse, d'observation, de "symétrie", de tonalité des tissus, d'examen tactile. Tout cela permet d'identifier les zones clés à traiter, avant de réexaminer les résultats de nos actions pour les valider. La démarche me semblait déjà beaucoup plus en corrélation avec mes attentes et ses résultats potentiels.
Principes :
Aujourd'hui, mon approche de la méthode Bowen est intégrée au sein de ma réflexion autour des points d'acupuncture, de la spécificité inhérente à cette méthode, et au champ, plus large, de l'approche Biodynamique.
M'inspirant du travail de Graham, je retrouve des principes ostéopathiques clés :
"Cherchez attentivement autour de la colonne pour trouver la cause des maladies" Hippocrates
Avoir un regard aiguisé sur les circonstances, tensions, symétries tonales, autour de la colonne vertébrale. Tous ce qui se passe dans un muscle provient d'une information. Cette information traverse le corps via les nerfs. Ces nerfs sont tous issus du système nerveux (central) et émergent tous de la colonne vertébrale. L'information y est donc acheminée et renvoyée, traitée par différents centres du système nerveux, toujours au regard de ce que le corps sait faire : maintenir une état de Santé, une homéostasie, cohérents.
On parle alors d'intégration neuro-structurelle : la zone de "perturbation" est identifiée, et, par le toucher, invitée à se remettre au diapason de ce que le corps sait être "juste". L'adaptation est ici considérée comme un boucle au sein de laquelle l'information ne retrouve pas ce chemin, cette harmonie. Le corps a parfois simplement besoin d'une mise à jour afin de retomber sur ses bases ; pas forcément d'une "correction" induite depuis l'extérieur.
C'est pour cela que mon travail commence toujours autour de la colonne, avant d'aller, si nécessaire (blessures notamment, ou problématiques articulaires) sur le lieu de la douleur (membres supérieurs ou inférieurs).
"Nous utilisons notre toucher diagnostique, perceptuel et thérapeutique
- c'est aussi simple et profond que ça"
Dr. James Jealous, DO
La qualité du toucher entre alors en jeu, tout l'art du Bowen reposant sur la capacité de trouver où agir et ensuite, a quel degré de pression, dans quelle direction etc.
Le Bowen est donc une méthode où le toucher permet, en un seul mouvement "apparent", d'analyser les tissus, de trouver leur zone de réponse et d'entrer ensuite en discussion avec eux. La zone, la profondeur, la pression et la durée du contact dépendent alors de la capacité du thérapeute à aller chercher, interpréter ces informations, puis à y répondre. Cette "qualité" thérapeutique ne s’acquiert que par le temps passé à toucher, à ressentir et à toujours rester curieux de ce qui se passe au delà de ce que nous proposons.
Une fois tous ces principes mis en place, la méthode Bowen peut devenir un redoutable outil au service de l'homéostasie, notamment musculo-squelettique, mais également bien au delà.
Il est alors important de ne pas noyer le corps du patient sous des messages, sollicitations et stimulations en espérant qu'il entendra celui qui lui faut. Il convient de lui murmurer un seul mot qui remettra tout en ordre de marche.
Le Bowen peut être (devrait être) précis et efficace,ce qui requiert beaucoup de recul de la part du thérapeute. Les déséquilibres sont recherchés, mis en évidence, observés, "traités" puis une nouvelle observation vient confirmer que le traitement appliqué était le bon.
C'est une approche qui diffère beaucoup de l'apprentissage "mainstream" du Bowen mais qui se rapproche beaucoup plus d'une modalité ostéopathique douce.
On peut alors travailler sur les douleurs, de tous ordres, de toute chronicité. Restrictions musculaires, tensions mais aussi récupération. Le corps cherche toujours le chemin du meilleur équilibre et la méthode Bowen, appliquée correctement, agit comme la clé qui ouvre la porte d'un raccourci.
Certes, elle n'est pas magique, elle répond à des principes physiologiques connus et elle n'a pas la prétention de "tout traiter".
Pourtant, lorsque le corps retrouve le chemin de l'homéostasie, c'est l'ensemble de la physiologie qui y répond favorablement, en écho. Il n'est donc pas rare de pouvoir aborder, de manière analytique, des problématiques qui se situent au delà du cadre "musculo-squelettique". Mais là encore, tout s'explique "simplement" du point de vue du système nerveux central et de ses polarités sympathiques et parasympathiques.
Les thérapeutes Bowen travaillant sur ce modèle, en France, sont encore peu nombreux. Heureusement, la formation "initiale" offre déjà des belles perspectives et bases de travail.
Espérons que certaines formations et ouvrages seront accessibles en français, pour ouvrir les portes d'une approche efficace de cette méthode.
Et comme toujours, Bouddha n'était pas Bouddhiste, Jésus n'était pas Chrétien et d'une certaine manière, Tom Bowen ne travaillait avec la méthode qui emprunte aujourd'hui son nom. Nous pouvons, néanmoins, essayer de retrouver la démarche originale pour continuer à faire vivre et évoluer cet héritage.
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